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Comment un travailleur immigré de la chanson peut-il se signaler à l'attention de ses pairs, coniment les rapports NordSud peuvent-ils prendre un cours nouveau ? Réponse : la Rose d'Or. Les festivals passe-partout qui permettent à un jeune étranger de trouver une porte d'entrée. Herbert -se présente, en 1970, à la Rose d'Or d'Antibes avec deux chansons: La Belle Histoíre et Albergo ad ore, l'adaptation d'Edith Piaf. Pagani s'en tire avec une jolie fleur jaune, quand un homme se présente : " Qu'est-ce que vous faites ici ? " -- " Et vous ? " " Je m'appelle CIaude Dejacques, je suis directeur artistique. " C'est l'homme qui a découvert Barbara, Moustaki, bien d'autres encore. Il a écouté Pagani, il aime. Le courant passe, fort. Les deux hommes décident de se revoir, et Dejacques a tót fait de venir à Milan avec un arrangeur afin de preparer le premier microsillon frangais du chanteur. Celui-ci avait enregistré en 1967 son premier 33-tours italien, intitulé L'Amicizia (l'amitié). lls en adaptent les chansons en franqais, remplacent le Brel et le Piaf par Venise et Mon Sud, enregistrent: le produit est prét. Reste à trouver le haut-parleur.

La bande atterrit chez Pathé Marconi, qui s'emballe et qui achète. A l'automne 1971, fleurit chez les disquaires le Concerto d'Italíe, où l'Italien du Sud qui abandonne sa terre rouge-orange dans un wagon de deuxième classe en partance pour le Nord, jongle avec les chceurs de la chapelle Sixtine, les solistes de la Scala de Milan et les bruits de la rue italienne. Pagani, d'emblée, a trouvé son style. Denise Glaser lui consacre un " Discorama " exelusif, et Europe @ 1 adopte le jeune chanteur qui lors d'une émission de " Carré bleu " se fait se rassembler tout le personnel dans le studio. Europe iV I est alors en froid avec I'Olympia et veut montrer à Bruno Coquatrix qu'on peut organiser des " Musicoramas " en dehors du temple où souffle l'esprit des rimes et des rythmes. En novembre, une soirée speciale Pagani, organiste par Europe, a lieu au Théátre de l'Est parisien. Matraquage sur les ondes : il s'agit de montrer qu'un inconnu peut, gráce aux bonnes fées audio-visuelles, remplir une salle.

L'enfant de la Péninsule fait un triomphe. Seul sur sc-ène, avec un micro et son pull-over d'arlequin qui deviendra son fétiche, avec en play-back une orchestration majestueuse, il chante Venise, les émigrants, les femmes vétues de noir ; sur un écran passent simultanément des diapositives agrandies de ses dessins : la chanson audiovisuelle, à mi-chemin entre les light-shows californiens et la commedia dell'arte rend son essor. Les journaux saluent celui qui " chante avec la plume et dessine avec la voix ". Pagani vendra 50 000 exemplaires de son Concerto d'Italie. Aragon lui-méme salue la gueule de métèque qui module simplement certaines choses de la vie : " Le disque n'est pas la chose essentielle. La chose essentielle c'est l'homme. C'est le caractère méme de ce qu'il fait sur la scètle qui est extraordinaire. J'ai le sentiment que Pagani a inventé une nouvelle sorte de chanson, et cela n'arrive pas tous les jours. Il est impossible maintenant, à mon sens, de parler de chansons contemporaines sans tenir compte de son existence. Son apparition est une apparition analogue à ce qu'ont été les apparitions des plus grands.

Bien súr il est encore jeune. Ce qu'on peut dire de lui peut paraltre une prédiction de prophète... mais les prophètes parlent de choses qui n'ont aucune base, annoncent les choses qui n'existent pas, tandis que les chansons de Pagani existent, déjà. Et elles sont, à mon sens, quelque chose de tout à fait extraordinaire. Je le dis avec d'autant plus de tranquillità que ce n'est pas un homme qui partage toutes mes idées. Méme, parfois, dans les choses qu'il chante, il en est dont je ne dirais pas qu elles me choquent (je ne suis pas si facile à choquer que ga), mais qui pourraient par exemple amener la discussioni

Mais qu'est-ce que ga peut faire ? En réalité les hommes sont faits pour s'entendre, méme lorsqu'ils ne s'entendent pas. "