Paris 1988 

"Lettre a son fréres" :

lu chez le Zenith à occasion de la célébration des 40 ans de l'état de Israel.

 




La vie suspendue entre deux journaux télévisés,
je tourne à vide dans mon atelier, incapable de me mettre au travail.
Je cherche dans le concert des exécrations,
les quelques voix honnêtes qui rappellent l'Hier,
non pas pour excuser mais pour expliquer l'Aujourd'hui
et je collectionne les coupures de presse de ces rares parents de l'esprit.
Maigre album de famille.

Tout le monde parle aujourd'hui en Occident.
Tout le monde parle et surtout contre nous.
Moi, j'ai renoncé à la parole depuis des années,
mais mon silence se fait chaque jour plus lourd de choses non dites.
Je les sens vaines et cependant nécessaires.
Dans la certitude que personne ne m'écoutera.
Urgence, d'écrire à tous !

Mes frères d'Occident,
depuis quelques mois les croix gammées recommencent à salir vos murs.
Avant de parler, nettoyez-les !

Mes frères Yankees,
l'Étoile de David n'est pas l'une de celles qui constellent le drapeau américain.
Israël n'est qu'une miette du grand gâteau moyen-oriental.
Qu'attendez-vous pour vous mettre à table avec les Russes ?
Plus le temps passe plus la miette durcit,
quelqu'un finira par s'étouffer avec.

Mes frères Russes,
vous n'avez jamais été aussi distraits que depuis qu'on vous a rendu la parole.
Trop occupés entre Arméniens et Afghans ?
ou désireux d'apparaître aussi neutres que possible en vue d'une conférence internationale ?
Dans ce cas il existe une stratégie bien plus efficace que le silence.
Monsieur Gorbatchev, laissez sortir les Juifs  d'U.R.S.S.
Israël reconnaîtra un droit moral à vos propositions de paix au Moyen-Orient.

Mes frères de toutes les Gauches,
virtuoses de la vertu,
producteurs d'opinions,
votre sensibilité au calvaire palestinien a des accents sublimes
et des racines malsaines.
Pétris de ce Christianisme que vous croyez avoir évacué.
Trop d'entre vous sont encore convaincus
que la vocation des Juifs est d'habiter exclusivement l'Histoire des autres.
Malgré l'Holocauste, vous continuez à douter de la nécessité d'un État juif.
Nous avons joué si longtemps le rôle de levain culturel,
que notre volonté d'être pain vous paraît contre nature.

Alors je demande ;

après combien d'années l'esclave perd le droit de réclamer la liberté
et l'exilé, une patrie ?
Deux mille, est-ce trop ?
Sommes-nous tombés en prescription ?
Et, encoreY
Pour qu'un peuple soit l'habitant légitime d'une terre,
doit-il l'avoir conquise avec le temps ?
l'argent ?
l'épée ?
la charrue ? ou un vote international ?
Choisissez le critère, il sera le nôtre.

Israël a été espéré dans le temps,
racheté par l'argent,
bonifié par les charrues,
défendu par l'épée
et voté par l'ONU.
Si aujourd'hui Samson bastonne à l'aveuglette
c'est aussi à cause de votre complaisance à l'égard des Philistins.

Mes frères Chrétiens,
votre Sauveur est né du ventre d'une de nos femmes.
L'antisémitisme du sein de votre Église.
L'épée du Christ a fait, dans la perspective des siècles,
plus de victimes juives que la main d'Hitler.
Ce n'est pas la visite d'un pape à la synagogue de Rome
qui pourra nous le faire oublier.
Courage, Sainteté,
reconnaissez l'État d'Israël
et nous commencerons à prendre en considération
les jugements de votre troupeau sur nos actes.

Mes frères Musulmans,
fils comme nous d'Abraham,
Israël est un pays imparfait né d'un rêve nécessaire.
Si vous ne pouvez l'accepter
c'est parce que vous poursuivez un rêve opposé,
celui de l'unité arabe.
Né du souvenir de vos splendeurs passées,
il vous a servi de ciment pendant le siècle de l'humiliation coloniale.
Avec la fin de celle-ci, il s'est écroulé.
Le Monde arabe n'existe pas et vous le savez,
il n'existe que des pays arabes
aux régimes souvent incompatibles
plus ou moins liés par une même foi
et une même mauvaise foi à l'égard d'Israël.
Votre but n'a jamais été de donner une patrie aux Palestiniens
mais d'empêcher les Juifs d'en avoir une.
Puisque nous fûmes dans votre histoire
ce que les femmes sont encore souvent, dans vos familles,
des sujets de deuxième classe,
sans droit de parole.
Notre désir d'émancipation vous a paru, à vous aussi,
scandaleux, contre nature.
Incapables d'expulser Israël de votre corps géographique.

Vous avez expulsé les Juifs de votre corps social.
Vous les avez forcés à fuir.
Ainsi vous avez confirmé la vocation de refuge d'Israël.
Vous avez augmenté sensiblement les effectifs de vos ennemis
et vous vous êtes privés
de l'un des arguments les plus efficaces de la propagande arabe :
Israël, écharde occidentale.

Aujourd'hui, la population israélienne est constituée
en grande majorité de réfugiés de pays arabes
ou comme dit Sa Majesté Hassan II du Maroc, d'Arabes de religion juive.

Les Palestiniens ont été votre dernière arme,
votre bombe à retardement générationnelle,
devenue, elle aussi trop difficile à manipuler,
vous avez fini par l'abandonner sur le terrain.
Aujourd'hui, elle explose toute seule, partout.

Mes frères Palestiniens,
les corps où vous êtes nés ne sont pas l'ouvre d'Israël,
mais d'une précise volonté arabe,
et les actes de terrorisme de ceux qui se prétendent
vos défenseurs ne font que retarder votre libération.
Il vaut mieux discuter avec un ami sincère
que faire confiance à des leaders aussi mensongers.

Aujourd'hui vous êtes seuls, face à Israël.
Regardez-le bien, cet adversaire exécré.  Il ne s'en ira jamais,
et ce, pour deux raisons, Israël est le seul pays au monde
où *sale juif+ signifie un Juif qui ne se lave pas.
Israël est le seul pays dont les *envahisseurs+,
lorsqu'ils creusent le sol de la *terre occupée+
y retrouvent les tombes de leurs ancêtres.

De plus, c'est le seul pays de cette partie du globe
où l'on peut voter,
où l'on peut s'exprimer librement,
et aussi absurde aussi atroce que cela puisse paraître,
c'est le seul où vous ayez encore quelques amis.
Est-il trop tard pour les appeler au secours ?

J'espère que non ! Je prie que non !

D'ieu en qui je ne crois pas,
en qui je crois,
en qui j'ai tant de mal à croire,
s'il est vrai qu'un jour tu as arrêté le soleil,
arrête pour un instant le film des siècles.
Suspends en l=air les pierres et les balles,
fige les bâtons.
Les hommes ont peut-être encore quelque chose à se dire,
et moi, deux mots à dire aux miens.

Israël, les prophètes t'appelèrent un jour l'Épouse du Seigneur.
Toute épouse a besoin d'un miroir.

L'Histoire t'en offre un.
C'est nous !
Les Juifs de la Diaspora.
Ne le brise pas ! Interroge-le  !
Écoute ! Chémâ Israël ! Écoute Israël !
L'ét=ernel ton D'ieu est un, et ses enfants, tous ceux de la planète.

À mon avis il y a une faute de frappe dans la Bible,
tu n'es pas le Peuple élu mais le Peuple électeur.
tu as élu D'ieu Président de ton Histoire pour l'Éternité.
Et si tu as survécu jusqu'à nos jours,
alors que tant de civilisations ont disparu,
c'est parce que tu as été fidèle à ses Lois,
 il t'ordonne de te défendre, mais aussi, d'aimer.

Qu'est-ce qu'aimer ? C'est assumer la responsabilité de l'autre !

L'autre est là,
devant toi, à ta merci.
Il a démoli ton image aux yeux du monde,
volé tes amis, tué tes enfants,
et s'est servi des siens comme appâts
pour te faire tomber dans le piège de la répression.

Rahamim Israël  Rahamim  !

Les peuples sont comme les enfants,
certains se vouent à la violence,
faute d'avoir eu des parents attentifs à leurs besoins.
Avant toi, les Palestiniens en tant que nation n'existaient pas,
ils sont nés de t'avoir vu naître,
ils ont grandi dans l'ombre des tes victoires.
Et s'ils hurlent aujourd'hui qu'ils veulent tout,
même Tel Aviv et Haïfa.
C'est plus par désespoir que par conviction.
Ils n'ont plus rien.

Je sais !
S'ils avaient accepté cette part de territoire,
que leur avait assignée l'ONU en 1947
ils l'auraient déjà, un pays.
Mais qui rate ses calculs en histoire ne doit pas,
ne peut pas être pénalisé éternellement.
En tous cas, pas par nous, Juifs.

Je sais,
il n'y a pas à qui parler.
Tous les Palestiniens modérés encore en vie
sont sous l'influence de l'OLP
et, l'OLP prévoit toujours dans son statut
la liquidation de l'État d'Israël.

Je sais,
on n'a jamais vu dans toute l'histoire de la diplomatie
un état souverain,

traiter avec un groupe qui se propose sa destruction.

Je sais,
le monde te demande l'impossible,
trouver, au risque de ta survie, une solution conforme
à la morale que tu as enseignée aux Nations
et que celles-ci, chaque jour et partout transgressent.

Le monde,
qui pour toi fut toujours sans pitié,
réclame ta pitié pour ceux qui,
comme lui, n'en ont pas eu hier
et n'en auront probablement pas demain.

Essaye quand même.

Et nous sommes habitués aux miracles,
et les miracles aujourd'hui sont les gestes inattendus
des hommes qui détournent en un jour le cours de l'Histoire.

Tend la main Israël !

Même s'il n'y a personne pour la serrer.
Et prend le monde à témoin de cette main tendue
et l'on saura enfin qui tu es,
non pas une écharde occidentale plantée au cour du monde arabe,
comme ils disent,
mais la pointe de diamant du Moyen-Orient dans le monde.

Shalom Vé Salam !

Herbert Abraham Hadjage Pagani,



Révision et mise en forme Robert Lévy

 

(merci, Robert)

 

 

Maintenant vous pouvez la lire en italien ou en anglais.