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la vita di Herbert
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la vie de Herbert
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les derniers jours

 

... Tendres retrouvailles avec la mer, qui lui avait préparé, pendant ces mois d'absence, de nouveaux contreforts d'algues sédimentaires, coussins de paille océane sur lesquels s'asseoir, réver, réfléchir ... Il escalada l'un de ces promontoires chevelus et parcourut lentement du regard la prodigieuse moisson de débris ménagers qu'elle avait répandu pour lui sur les plages, et qui l'appelaient, à perte de vue: chaque couleur une voix.

"Mon cadeau de Noél", dit-il, la gorge nouée.

Il l'aimait, ce paysage. Cet abominable fatras pollutif et bariolé, il l'aimait plus que Venise ou Marrakech, plus que Louis Pons, Escher ou Piranèse, plus que les greniers, les Puces, les souks de son enfance. Toute l'histoire de l'art disparaissait devant la réalité de cet empire du rebut, sa terre promise. "Je suis au rendez-vous", dit-il, et il eut un sourire attendri à la vue des quelques cageots pleins de reliques qu'il avait dú abandonner sur les rochers à la fin de l'été, faute de temps, et qui, faute d'amateurs, l'attendaient encore. Radieux comme un clochard au lendemain des Fétes, il s'apprétait à satisfaire sa passion ultime, absolue: faire les poubelles de Neptune.

Ici, déjà, un petit fusil en plastique rouge, blessé à la crosse, páli par le temps... Là-bas, une sandale d'enfant que sa course dans les lames de l'hiver avait réduite en une sorte de fleur minérale, d'orchidée pétrifiée qui lui tirait la langue noire de sa semelle racornie... Plus Ioin, le squelette d'une petit camion vert pomme, et tout à cóté, une galoche d'alpiniste qui le fixait haineusement de ses trente-six milletts d'acier, en tenant prisoiìnière de ses máchoires cloutées une petite poupée nue, aveugle, aux cheveux de nylon dressés par l'effroi et dont un bras, levé au ciel, semblait l'appeler au secours.

Il répondit à l'appel. Il répondait à tous les appels. Tous ceux de l'émotion. Avec des gestes rapides, précis, il ramassait, éxaminait, et jetait, sans hésiter, à la mer ou dans son sac, selon des critères connus de lui seul. Et il avanqait dans ce carnaval tragique, le dos courbé, l'ecil aux aguets, le cocur battant, le parapluie fouineur, seul, heureux, perdu dans cet univers de pneus, pieds de table, manches à balai, chaises d'enfants déglinguées, cages à oiseaux éclatées, peignes édentés, brosses chauves, fleurs synthétiques barbouillées de cambouis, sachets éventrés, palmes de plongée échouées sur les galets conime des chauves souris bleues mortes, boites de conserve que les embruns avaient gantées de velours roux, pantoufles hunìides, bottes de caoutchouc croútées de coquillages, bidons cabossés, froissés, aplatis par les baffes de la mer,

débris de barques, poulies, flotteurs, filets de nylon vert, ressorts de matelas retenant au piège de leurs spires une Barandole inextricable de torchons, tissus, laines, cordes, ficelles algues et rubans...

Sous ses pie . ds des canettes de coca par centaines, des éponges par milliers, et-partout, mélés aux galets, clignant des yeux dans le sable mouillé, des éclats de bouteille auxquels la gourmandise des vagues avait donné des contours de bonbon, des douceurs d'opaline.

n

Moi aussi, adouci. Moi aussi débris de verre arro 'di par le temps. Je ne coupe plus que lorsqu'on m'ébrèche,

lorsqu'on veut à tout prix me briser...

que

Il s arréta un instant, pour goúter le paradoxe: écologiste de la première heure, il était là,

pataugeant allègrement dans les poublles de cette société du gáchis et de l'abondance qui lui avait inspiré

dessins les p us crus, ses chansons les plus féroces...

ses

"Basta coi messaggi, gli ultimatum" dit-il.

Fatigué d'accuser. Envie d'émouvoir. Envie de vivre surtout, selon son cceur et sa nature, de panser ses plaies, de reprendre des forces.

Il regarda autour de lui, cherchant sur la plage un objet, un augure, un signe qui lui confirmát qu'il n'était pas láche, qu'il avait droìt à un peu de repos.

Il exulta.

A la pointe d'un rocher, un arbre déraciné faisait claquer au vent un sachet de plastique frangé par les intempéries. Il aurait pu étre rose, bleu, noir... Non, il était blanc! Un cessez-le-feu.

"Ici tout me parle, murmura le promeneur. C'est ici que je suis heureux. C'est ici, dans cette merde, que ma vie devient hygiénique! cria-t-il.

Beaux. Je vous trouve beaux. Vous étes des épaves gaies, et nioi je suis une épave qui cherche la joie. Je suis bien, parmi vous. Je me sens chez moi. Je vous ressemble. Moi aussi naufragé du siècle. Moi aussi cassé, raboté, pourri, rouillé, puant, malade, je trouve dans votre bordel multicolore un écho affectueux mes désordres intimes. Dans votre solitude, votre état d'abandon, un miroir de mes propres abandons, sub'S Ou provoqués, et de mes conséquentes solitudes...

Vous, là-bas, les brúlés, les ambigus, les inclassables, vous étes un reflet de mes doutes, de mes choix laìssés en suspens... Vous, les plastiques, les vinyles, boucs émissaires de l'écologie, h@is parce qu'increvables,

votre persistance tétue aux éléments m'encourage à résister à toute tentation d'assimilation, de dissolution dans un quelconque courant majoritaire... Vous, les os, les galets, les troncs argentés, votre propreté absolue m'est une invitation à faire le ménage dans ma téte, à voir plus clair en moi, et à l'étre une fois pour toutes vis à vis des aut'res...

Dans votre dépouillement je retrouve ma soif d'essentiel. Tous, vous exaltez mon penchant samaritain, vous aiguisez ma fantaisie, vous calmez mes angoisses... Je cherche parmi vous les fragments égarés de mon puzzle intérieur. Ce sont des morceaux de moi que je ramasse, les morceaux les plus vrais, les plus beaux, ceux que j'avais jetés aux poubelles... La partie la plus belle de chaque homme est celle qu'on jette, parce qu'il s'avère qu'elle n'est pas rentable. Vous n'étes pas rentables. Vous étes donc mon luxe supreme. Vous n'avez aucune valeur. Vous n'avez donc pas de prix. Vous étes littéralement... inestìmables. Votre inutilità est pour moi la preuve majeure, capìtale: qu'on peut étre aimé sans raison, sans projet, sans contrepartie, comme je vous aime, qu'on peut étre enfin absous, béni, sauvé, aimé pour rien, rien que pour l'amour de l'amour".

Herbert Pagani

(Extrait de Préhistoìre d'Amour, roman inédit)

 

   

Update: 16 agosto 2009